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Comment construire une entreprise plus performante face à l’enjeu du sexisme ?

Une femme sur cinq est victime de harcèlement dans le monde de l’entreprise1, quatre femmes sur cinq sont victimes de sexisme2. Partant de ce constat, le Medef a organisé, jeudi 13 juin, une journée de décryptage et de partage d’expérience entre dirigeants pour lutter contre le sexisme en entreprise, avec le soutien du secrétariat d’État chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

Armelle Carminati-Rabasse, présidente d’Axites-Invest et présidente du comité Entreprise inclusive du Medef, a insisté sur le fait que « le sujet est difficile, anxiogène, mais nécessaire » car « le sexisme, c’est comme la pollution, c’est insidieux ». Pourquoi les entreprises devraient-elles se préoccuper de ce sujet ? Tout simplement, car elles ne peuvent pas être performantes si une partie de leurs équipes se sentent entravées dans leur travail par le sexisme : « L’entreprise n’est pas responsable du problème, mais elle est responsable de la solution. » 

Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP), s’est d’abord penchée sur la définition du sexisme, qui touche 80 % des femmes salariés3. « Le sexisme a une double définition : c’est une idéologie qui érige la supériorité d’un sexe par rapport à un autre, mais aussi un comportement fondé sur une distinction injustifiée qui entraîne des conséquences préjudiciables en termes d’emploi, de conditions de travail ou de bien-être. » 
La secrétaire générale du CSEP a évoqué les diverses formes de sexisme (hostile, bienveillant ou ordinaire) ; les stéréotypes sexistes dont sont victimes les femmes, notamment dans les publicités ; les inégalités toujours prégnantes : écart salarial de 24 % entre les hommes et les femmes, 20 % seulement des tâches ménagères sont effectuées par les hommes, 2/3 des tâches parentales sont effectuées par les femmes, décrochage de carrière des femmes à la maternité ; le mansplaining, etc.
Selon Brigitte Grésy, le sexisme disqualifie professionnellement les femmes, peut devenir discriminatoire, crée de la souffrance et de l’auto-exclusion. Des progrès ont été faits, mais il reste toujours beaucoup d’inégalités. C’est pourquoi il faut mettre en place des process pour enrayer ce phénomène. 

La table ronde de la matinée, animée par Jean-Michel Monnot, fondateur de All Inclusive !, était justement consacrée à présenter les solutions mises en place au sein des entreprises afin de lutter contre le sexisme. Anne-Laure Thomas-Briand, directrice diversité et inclusion chez L’Oréal, a créé l’initiative #StOpE, un pacte d’engagement contre le sexisme ordinaire en entreprise, signé le 4 décembre 2018 par 30 entreprises françaises, et dont le premier principe est la « tolérance zéro ». 
Pour Morgane Reckel, directrice associée diversité et inclusion chez EY, « le sexisme nuit aux résultats de l’entreprise ». Son entreprise a créé un réseau sur la mixité, informe sur les situations sexistes dans ses newsletters et fait prendre conscience du problème par le biais de dessins présentant des situations sexistes. 
Jean-Louis Carvès, Diversity Engagment Partner chez IBM, travaille sur les cas de sexisme rapportés et informe sur les sanctions prises. Il a créé un réseau d’hommes pour lutter contre le sexisme. Il souhaite que davantage de PME s’engagent sur le sujet. 
À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, Anne-Sophie Beraud, VP diversity & inclusion du groupe AccorHotels, a organisé un concours de photos et vidéos contre le sexisme, et un groupe de travail finalise actuellement un guide sur le sujet. 

Clémence Levesque, chargée de mission promotion de l’égalité et de l’accès aux droits, a fait le point sur la responsabilité de l’employeur face aux agissements sexistes et sexuels. De son côté, Eric Singler, directeur général de BVA et expert en économie comportementale, a expliqué comment le « nudge », une technique qui vise à faire changer les comportements grâce à des incitations, peut être utilisée pour lutter contre le sexisme. 

Après le temps des discussions est venu le temps de la mise en pratique. Des ateliers, escape game et jeux de plateau étaient organisés dans l’après-midi pour sensibiliser les participants à la prévention du sexisme au travers de situations concrètes. 

La journée s’est terminée sur une table ronde animée par Vincent Poirel, responsable égalité des chances et RSE de PageGroup, sur le rôle du témoin, personne cruciale pour signaler une situation, mais aussi pour confirmer un témoignage. Maître Jérôme Artz, avocat associé au cabinet Barthélemy, a rappelé que le témoin est protégé par la loi, au même titre que la victime. Il a évoqué les obligations des entreprises, et notamment celle instaurée au 1er janvier 2019 d’avoir un référent sur le sujet au sein des CSE. 
Catherine Tripon, directrice développement social durable de la fondation Face, s’est engagée contre les violences faites aux femmes en découvrant qu’une femme meurt sous les coups de son conjoint tous les trois jours en France. Elle a créé le programme Cease, destiné aux entreprises afin qu’elles sensibilisent et aident les salarié(e)s victimes de violence. 
Céline Bonnaire, déléguée générale de la fondation Kering, a créé une formation contre les violences faites aux femmes qui a été dispensée à 1 500 collaborateurs de l’entreprise, ainsi qu’aux membres du Comex. 
Carol Lambert, Ethic & Gouvernance Leader chez Deloitte, a mis en place un système d’alerte international dans son entreprise et est saisie par des témoins ou des victimes. Elle travaille en collaboration avec les associations et les référents CSE.

Patrick Martin, président délégué du Medef, a clôturé cette journée en indiquant que ce thème lui tient particulièrement à cœur, car il a licencié deux collaborateurs de son entreprise pour harcèlement et complicité. Il tient « à mettre en œuvre [ses] convictions » au sein du Medef.

>> Télécharger le guide « Lutte contre les agissements sexistes et les violences sexuelles en entreprise »

1Défenseur des droits, étude 2015.
2Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP).
3Enquêtes du CSEP de 2013 et 2016